C’est notre 3e interview marketing sur le comptoir des contenus ! Cette fois, j’ai eu la chance d’interroger Manon Beurlion, rédactrice en chef chez Alphonse. Cette entreprise sociale se donne pour objectif d’aider les jeunes retraités à profiter du temps nouveau qui s’offre à eux. Ça passe notamment par un média en ligne qui répond à leurs besoins et à leurs envies. Manon nous embarque dans la création de contenus made in Alphonse et nous explique la place centrale qu’occupe la communication digitale dans la stratégie de cette jeune société.
Peux-tu nous parler brièvement de ton parcours ?
J’ai 26 ans et je suis en poste chez Alphonse depuis bientôt 2 ans. Avant ça, j’ai réalisé une prépa littéraire Hypokhâgne Khâgne. Je me suis ensuite tournée vers l’art et la culture, avec un cursus en communication culturelle puis en journalisme culturel. J’ai travaillé pour différents médias dont les Inrocks ou Tracks en tant que journaliste musicale. En 2019, après une expérience décevante, j’ai voulu ouvrir le champ des possibles et m’orienter vers une fonction utile et porteuse de sens. La fiche de poste proposée par Alphonse m’a semblé me correspondre totalement !
Comment les contenus d’Alphonse ont-ils évolué depuis le début de l’aventure ?
Au départ, il y a 4 ans de cela, Alphonse était une plateforme de mise en relation entre jeunes et retraités. Elle proposait des missions de garde, de cours à domicile… essentiellement en région parisienne. Le site web était alors orienté vers des contenus “astuces“ avec la possibilité de consulter les archives de la newsletter hebdomadaire. Après de nombreux échanges avec leurs bénéficiaires, les deux fondateurs de l’entreprise se sont rendus compte que la difficulté première de nos aînés était le passage de la vie active à la vie de retraité. Ils ont décidé de faire évoluer le projet et de transformer le site en un véritable média journalistique.
Aujourd’hui, votre offre se base essentiellement sur votre stratégie éditoriale. Pourquoi ce choix ? Quels sont les objectifs de cette stratégie ?
Le projet s’articule désormais autour de 2 parcours d’accompagnement : un accompagnement administratif, pour faire le point sur sa situation à l’approche de la retraite, et un parcours “dessiner sa retraite”, lié au développement personnel dans cette phase de vie inédite. Avec un article par semaine, notre média en ligne se concentre sur cette transition, avec l’idée principale qu’”à la retraite, le monde s’ouvre à vous”. Nos 4 rubriques (témoignages, activités, décryptage et astuces) répondent aux besoins de cette génération tout en conservant le côté intergénérationnel de l’ancienne plateforme “Les talents d’Alphonse”. On propose des astuces et applications pour faciliter le quotidien, des activités originales pour mettre un peu de beurre dans les épinards afin de répondre aux besoins de nos lecteurs et lectrices qui ont des petites retraites. La rubrique “décryptages” propose une confrontation de points de vue entre un jeune et un senior autour d’un sujet de société. Pour les témoignages, j’interviewe 3 personnes sur une thématique qui concerne au moins 50 % des retraités. Chacun doit pouvoir s’identifier et se reconnaître. Les expériences des uns peuvent servir aux autres !
On propose également une newsletter chaque vendredi à 60 000 abonnés. Notre community manager se charge des réseaux Facebook et Instagram, qui sont de véritables murs d’expression pour notre public.
Comment s’organise votre travail éditorial au quotidien ?
Il est primordial pour nous d’avoir en tête qu’on s’adresse à une cible qui n’a pas le même âge que nous. On construit nos sujets en côtoyant nos membres, en échangeant avec eux. On a mis en place une charte éditoriale permettant à toute l’équipe d’adopter le même ton et d’adapter son écriture à notre lectorat. Je mets régulièrement en place des petites formations en interne autour de nos messages, sous la forme d’exercices ou de jeux, pour leur apprendre à bien maîtriser le ton Alphonse ! Cela permet de créer un sentiment d’appartenance auprès de nos bénéficiaires.
Concernant le média, je suis seule à rédiger. On se réunit tous les 2 mois avec l’équipe pour trouver ensemble des idées de contenus en lien avec nos expériences et nos échanges avec nos bénéficiaires. Les sujets sont soumis au vote avant d’être proposés au comité de rédaction. Une fois par mois, ce comité, composé exclusivement de retraités qui ont travaillé dans le milieu social ou journalistique, tranche sur les sujets à venir. Je leur propose des exercices éditoriaux pour qu’ils prennent vraiment part au média. Par exemple, si on évoque une activité, je leur demande quelle accroche leur donnerait envie de cliquer sur un titre ou sur l’objet de l’e-mail. Je les questionne aussi sur les freins et bénéfices d’une telle proposition d’activité. Cela me permet de m’immerger complètement dans leur vision et d’adapter mes écrits.
Et sur les réseaux sociaux ?
Les informations publiées sur nos réseaux sociaux sont, elles aussi, liées à nos échanges avec notre public. On met un point d’honneur à répondre avec bienveillance à chaque commentaire, en rebondissant sur les paroles de la personne. Cela nous permet d’avoir un flux constant d’insights, c’est-à-dire de connaître la perception, les besoins et envies de notre public sur tel ou tel sujet. Notre calendrier éditorial est mensuel et s’appuie sur les retours de notre équipe qui fonctionne dans l’entraide et le partage.
Est-ce que vous vous appuyez sur des statistiques pour la création de vos contenus ?
On analyse la performance de nos contenus sur les réseaux sociaux, le site et la newsletter. Nos statistiques sont plutôt bonnes, avec pour la newsletter une moyenne de 18 % de taux d’ouverture et de 4 % de taux de clics. Pour autant, ils ne nous semblent pas toujours représentatifs. Un article long, plus fourni, touchera moins de gens, mais de manière plus qualitative. À titre d’exemple, notre article “Pourquoi créer des lieux de vie inclusifs“ a eu un fort impact sur l’une de nos lectrices. Elle nous a envoyé un message indiquant qu’après la lecture de ce texte, elle a pris la décision de renouer avec son petit-fils qui avait changé de sexe. C’est dans ces moments-là que l’on sait que l’on est vraiment utiles !
Avez-vous parfois l’impression d’être à la lisière entre journalisme et communication ?
J’aime jongler entre les 2. Cela s’explique certainement par mon parcours, puisque j’ai oscillé entre les 2 disciplines depuis le début de mes études supérieures. Je trouve que la frontière entre communication et journalisme devient de plus en plus fine, notamment avec l’avènement des réseaux sociaux. Un journaliste qui promeut son article sur son propre profil Facebook est-il en train de faire du journalisme ou de la communication ? Je crois que c’est un beau challenge que de continuer à apprendre à écrire sous toutes ses formes. Ce n’est pas pour rien si mon péché mignon, c’est le média Alphonse !
Vous appuyez-vous sur d’autres canaux de communication pour promouvoir votre entreprise sociale ?
Un travail de relations presse a été mis en œuvre au tout début de l’aventure d’Alphonse, mais ce volet est aujourd’hui un peu moins exploité. C’est dans le travail de partenariat que se créent d’autres formes de communication, en lien avec les entreprises et Pôle Emploi par exemple. Hormis cela, on se consacre exclusivement à la communication digitale, nos parcours étant eux-mêmes 100 % numériques. Il nous semblerait à contre-courant de proposer du print par exemple.
Malgré ce qu’on pourrait croire, nos bénéficiaires sont à l’aise sur le web. On leur propose des tutoriels maison pour les accompagner sur les outils. Certains préfèrent la page Facebook, d’autres s’informent exclusivement via la newsletter. Mais le numérique n’est pas un frein pour eux !
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise sociale qui souhaite se lancer dans la création de contenus sur le web ?
Je lui conseillerai de commencer par bien identifier sa cible. Il ne s’agit pas de communiquer avec elle uniquement lorsque vous lancez le projet, mais bien au quotidien ! D’autant plus dans le monde de l’ESS, où l’humain est au cœur du projet. Vous devez échanger avec votre public et savoir répondre à ses besoins.
Ce qui fonctionne également chez Alphonse, c’est d’alterner les sujets légers et les sujets plus “graves”. Si votre entreprise répond à une problématique, il ne faut pas oublier de prendre du recul et proposer à vos lecteurs des contenus pour “s’aérer l’esprit”. La règle : ne jamais se prendre au sérieux !